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Par expertise

Servitude de passage et permis de construire

6 juillet 2020 I Droit de l'urbanisme . Droit immobilier

Le service instructeur doit-il vérifier l’existence d’une servitude de passage au profit du terrain pour lequel il est demandé un permis de construire ?

Sur le fondement de l’article R. 431-9 du code de l’urbanisme, le pétitionnaire doit faire figurer sur les plans de sa demande de permis de construire la servitude de passage permettant la desserte du tènement lorsque la voie n’est pas ouverte à la circulation publique.

Le contrôle du service instructeur est fixé par la position de principe suivante :

« Le permis de construire, qui est délivré sous réserve des droits des tiers, a pour seul objet d’assurer la conformité des travaux qu’il autorise avec la réglementation d’urbanisme. Dès lors, si le juge administratif doit, pour apprécier la légalité du permis au regard des règles d’urbanisme relatives à la desserte et à l’accès des engins d’incendie et de secours, s’assurer de l’existence d’une desserte suffisante de la parcelle par une voie ouverte à la circulation publique et, le cas échéant, de l’existence d’un titre créant une servitude de passage donnant accès à cette voie, il ne lui appartient pas de vérifier ni la validité de cette servitude, ni l’existence d’un titre permettant l’utilisation de la voie qu’elle dessert, si elle est privée, dès lors que celle-ci est ouverte à la circulation publique »

(CAA LYON, 28 janv. 2020, n°18LY01801).

Dans la mesure où la validité d’une servitude de passage relève du droit privé, le service instructeur n’est pas compétent pour l’apprécier.

Sur l’existence de la servitude, deux situations se présentent habituellement.

Ou bien le règlement impose la production du titre de servitude et alors le permis sera délivré s’il est justifié de ladite pièce (CAA MARSEILLE, 25 sept. 2018, n°16MA02857).

Ou bien le règlement est silencieux, et alors le pétitionnaire devra justifier de ce titre sinon pourra se voir valablement opposer une prescription par l’autorité délivrant le permis.

En ce sens, le Conseil d’État accepte que la commune conditionne l’existence même du permis de construire à la production de l’acte de servitude de passage :

« L’administration ne peut assortir une autorisation d’urbanisme de prescriptions qu’à la condition que celles-ci, entraînant des modifications sur des points précis et limités et ne nécessitant pas la présentation d’un nouveau projet, aient pour effet d’assurer la conformité des travaux projetés aux dispositions législatives et réglementaires dont l’administration est chargée d’assurer le respect. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le terrain d’assiette du projet de la société Compagnie Immobilière Méditerranée ne disposait d’aucun accès à une voie ouverte à la circulation publique et qu’un tel accès devait être créé sur des parcelles appartenant à des tiers. Le maire de Fréjus lui a néanmoins accordé le permis de construire sollicité en mentionnant à l’article 3 de son arrêté que « le présent arrêté est conditionné à la production, par le bénéficiaire, de l’acte authentique de servitude de passage (…) au plus tard au dépôt de la déclaration d’ouverture de chantier ». En jugeant que cette réserve ne saurait pallier l’absence de titre créant une servitude de passage à la date de l’arrêté attaqué alors que la création d’une servitude de passage entraine seulement une modification portant sur un point précis et limité qui ne nécessite pas la présentation d’un nouveau projet, le tribunal administratif a entaché son arrêt d’erreur de droit ». CE, 03 juin 2020, n°427781

Une telle décision relancera peut-être le débat sur la faculté de délivrer des autorisations d’urbanisme présentant un caractère conditionnel, sur des points parfois substantiels, et sur l’importance grandissante des prescriptions des autorisations, échappant ainsi à l’instruction classique des projets.

Ne peut-on pas y voir le développement d’un urbanisme d’apparence plus souple, externalisé auprès de services spécialisés, qui en réalité peut être de nature à imposer des prescriptions étrangères aux règles applicables et prévues au règlement ?