Pratique : Le juge ne peut pas se fonder exclusivement sur une expertise non-judiciaire, même contradictoire, pour rendre sa décision
En droit de la construction notamment, le recours à une expertise est souvent indispensable.
Plusieurs hypothèses sont possibles :
– L’expertise judiciaire où l’expert est désigné par le Juge,
– L’expertise amiable contradictoire où l’expert désigné par l’une et/ou les parties permet le débat entre les parties,
– L’expertise amiable non-contradictoire où l’expert désigné par l’une des parties intervient sans permettre le débat entre les parties.
Si l’expertise judiciaire permet à elle seule de fonder une décision de justice, elle est en général plus longue et onéreuses que les autres types d’expertises.
Le développement des moyens amiables de résolution des litiges tend à éviter le recours au Juge et à privilégier le recours à un expert amiable, au contradictoire ou non de l’ensemble des parties concernées.
Mais à défaut d’accord mettant fin au litige, quelle est la valeur probatoire de l’expertise amiable, contradictoire ou non, devant un Tribunal ?
S’agissant de l’expertise amiable, réalisée en l’absence de l’une des parties, elle pouvait être prise en compte par le juge, lorsqu’elle a été communiquée régulièrement en procédure comme pièce, et donc discutée contradictoirement, comme preuve uniquement (Civ. 3e 9/5/2012 n°10-21041). Toutefois, de façon claire depuis un arrêt n°16-15531 rendu le 7 septembre 2017, le Juge décide qu’il ne peut fonder sa décision sur le seul rapport d’expertise amiable non contradictoire soumis aux débats que s’il est corroboré par d’autres éléments de preuve.
Si l’on pouvait douter que la Cour de Cassation aligne sa solution prise pour une expertise amiable non contradictoire à l’expertise amiable contradictoire, tel n’est plus le cas puisqu’en quelques mois, les trois chambres civiles ont eu l’occasion d’affirmer de concert que l’expertise amiable, contradictoire ou non, ne peut suffire à fonder une décision de justice.
Ainsi, cette position a été retenue récemment par la troisième chambre civile dans un arrêt n°19-16278 et 19-16279 rendu le 14 mai 2020 au visa habituel de l’article 16 du code de procédure civile :
« 6. Aux termes de ce texte, le juge doit faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
- Il en résulte que, hormis les cas où la loi en dispose autrement, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties, peu important qu’elle l’ait été en présence de celles-ci».
La première chambre civile a confirmé cette solution dans un arrêt n°19-11401 rendu le 1/7/2020.
La deuxième chambre civile de la Cour de Cassation a également réaffirmé sa solution (Civ. 2e 9/9/2020 n°19-13755).
En pratique, il apparaît toutefois regrettable qu’il ne soit pas tenu compte dans la portée donnée au rapport d’expertise amiable des efforts des parties à organiser des opérations expertales contradictoires.